SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE si elles sont humbles, ou s'encanailler, si l'on descend de quelque famille bourgeoise. Dumarsais Estim n'a point abdiqu sa dignity dans de tels calculs, restant attach sa condition de paysan don't il n'a jamais eu honte. Fait de cette pte d'hommes avares de propos et prodigues d'ac- tions, Dumarsais Estim s'aurole du prestige de celui qui n'a ja- mais tromp personnel. Si son passage au Ministre de lInstruction Publique et de l'Agriculture est sa meilleure recommendation Fat- tention des patriots, c'est parce qu'il y a laiss des souvenirs p- tris dans des actes et peu de discourse. Il ne se dvoua pas seule- ment la rforme de notre enseignement et la preparation phy- sique de notre jeunesse, il accord une gale attention nos pro- blmes ruraux, prit la loi sur les coopratives et s'intressa l'irri- gation de nos planes. Aimant faire nouveau, il eut le premier l'i- de de runir Damien un ler Mai, des agriculteurs venus des prin- cipales rgions de la Rpublique. Je vis l'homme tout heureux au milieu de ces rudes paysans, leur pressant la main sans manire et les interrogeant sur leurs problmes rgionaux. Ces frres des champs, que leurs fils eux-mmes renient quelquefois, il n'prouva aucun scrupule les montrer aux citadins assembls Damien parce qu'il les aime et respect en eux les forces vives de la nation. Grce lui, ces hommes que le dtachement et le mpris bourgeois avaient refouls dans leur champagne sjournrent trois ou quatre jours la Capitale, visitrent les monuments et les difices publics, s'assirent aux cafs et dans les sales de spectacles. Estim n'a peut-tre confi personnel le grand idal de civili- sation qu'il caresse pour ses frres des campagnes auxquels depuis Toussaint Louverture, l'on n'a jamais accord une attention sou- tenue, faite d'amour vrai. Mais le bourgeois malin ne souponne que trop ses sentiments cet gard. Une aprs-midi de l'autre se- maine, j'ai pris une voiture au moment o deux dames lgantes qui s'y trouvaient, achevaient sans doute de passer en revue les candidates la Prsidence de la Rpublique: Quant lui, con- clut l'une d'elle nous n'en voulons point, il sent encore le paysan et ne s'occuperait assurment que de ces gens l. Je n'ai pas dsir entendre davantage pour savoir qu'il s'agissait l de Dumarsais Es- tim. Mais ces aimables personnel venaient de faire le plus bel loge de l'homme. Car ce que les Hatiens qui vivent en plnitude la dsesprante dtresse national attendent, c'est justement le