SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE QUELQUES ASPECTS DE LA MISERE DU PEOPLE Par Marcel VAVAL Vous qui parlez de la misre savez-vous ce que c'est? L'aves- vous ctoye de prs? En avez-vous jamais fait l'exprience? Vous est-il dj arriv de rencontrer dans les rues un pauvre hre qui vous tend la main et qui vous dit, faible et oppress, j'ai faim, j'ai des jours depuis que je n'ai pas port la main la bouche? Avez-vous jamais rencontr un enfant, en haillon, sale, dgue- nill, hve, au visage hl, aux orbites enfonces qui vous dit- Sauvez-moi la vie, j'ai faim! Vous est-il arriv de visiter les banlieues de Petit Gove, de Cte-de-Fer, de Bainet? Ah! ai vous avez vraiment un coeur, si vous avez rellement une conception suprieure de la personnel humaine, vous passeriez des jours sans pouvoir dtacher votre esprit du spectacle affreux de la misre humaine, dans ce qu'elle a de plus cruel, de plus lamentable, de plus odieux, de plus hideux aprs avoir vu ces spectacles. J'ai vu, au Trou Sabl, des enfants, en nombre considerable, qui ne font rarement qu'un repas sec par jour, qui n'ont jamais por- t de vtements et qui logent la belle toile, dans un creux d'arbre ou dans un trou de more, avec leur mre. Ils n'ont pour apaiser leur soif que l'eau de toilette ou de lessive qui coule dans des ri- goles remplies de toutes sortes d'impurets. J'ai vu, la Croix des Bossales et Dans les Palmistes des gens, hommes, et femmes, qui vivent nus, et qui ne sortent que la nuit, la faveur de l'obs- curit pour aller rder aux alentours des marchs et des cafs pour essayer de trouver des relents de coco et bien d'autres reliefs que des gens repus, moins pauvres qu'eux, ont jets. J'ai vu des enfants qui, fatigus de subir des jenes trop prolongs, prfrent risquer leur vie en attrapant au passage les cars de la P. C. S. pour en ti- rer un bout de canne; souvent ils meurent, broys sans piti, d'au- tres fois ils percent une jambe ou un bras et ils en sont quite pour avoir apais un instant, les tiraillements de leur estomac. J'ai vu, dans la banlieue de Ctes- de-Fer, des gens couverts de pian, des lpreux, don't la bouche, les yeux et le nez n'en font qu'un, des tu- berculeux qui n'ont de l'homme que le squelette et qui mendient leur pain et qui crient piti au spectre de la mort. Je me sur- prends souvent mditer sur les misres.