SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE En 1806, par le crime le plus abominable et le plus lche, par l'odieux parricide du Pont-Rouge, elle accde au pouvoir et se substitua aux droits des anciens colons, ses frres spirituels et naturels. Ds lors, elle a adopt une politique invariable: maintenir le people dans la misre, l'ignorance et la superstition pour rgner sur la masse asservie, vritable troupeau human ses yeux. Par- fois, quand le festin tait trouble par les rvoltes populaires la politique de doublure lui offrait un pilier d'bne pour consolider sa citadelle d'iniquits secoue par les convulsions politiques. Et ainsi par une adroite et savante acrobatie de bassesse, de cynisme et d'opportunisme tout la fois, elle maintint sa domination sur la classes majoritaire et garda intacts, inbranlables les privileges intrieure et irrductible de l'me national, du Pays rel, s'en fit une trs puissante allie. Elle consolida ses prrogatives tendit davantage ses prbendes. Et l'amricain, en important le got effrn du luxe et des jouissances faciles, un mirage trompeur des fastes extrieurs des civilisations plus avances, une vision trans- pose de riches pays lointains, balaya le reste de morality de fiert disant lite corrompue, libre de toutes charges, dsertrice de ses devoirs les plus sacrs. Forte de cette alliance, la bourgeoisie minoritaire crut alors d- finitivement assure sa prdominance dans la communaut hai- tienne, sur ce petit coin de terre o s'est joue, o se joue encore la plus poignante tragdie humaine. Dbarrasse jamais des in- quitantes et priodiques turbulences de piquets et cacos, elle osa enfin afficher une arrogance dmesure. Je me rappelle encore la rponse d'un jeune multre ignare de la classes privilgie un mot de compatissante indignation inspire un intellectual pro- ltaire par la foule des opprims qui, un aprs-midi, se pressait aux abords du Parc Leconte: Ces gens sont des btes: quoi bon s'en soucier! avait-il dit. Et cet autre qui chez lui au course d'un entretien intime sur la question social dclara froidement, d'un ton premptoire : Quoi qu'ils fassent, les noirs doivent re- noncer pour toujours une ascension notre niveau. Ces propos n'taient pas rares. Non! ces mots taient l'expression d'une at- titude plus ou moins gnralise ces temps derniers d'une menta- lit plus ou moins avoue. Mais depuis les vnements du 11 Jan- vier, ce comportement de mpris insolent devenu impossible, la faction bourgeoise fait mine de se rallier aux ides nouvelles ; elle