SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE L'volution des masses proltaires hatiennes pose nettement un problme en face de la conscience national: celui de divor- cer d'avec un pass d'erreurs, de mensonges et d'exploitations, de reconsidrer notre mode de penser, pour que commence une re nouvelle, sous l'influence de conditions nouvelles, en vue d'un meil- leur devenir. Les rclamations plus que justes du proltariat pour une amlio- ration de son statut social, doivent avoir raison de la concep- tion semi-fodale de la bourgeoisie hatienne, legs de son origine colonial. Car les temps sont prims o seuls taient appels difier leur fortune, au mpris de toute rgle de vie, sur les cada- vres de millions d'tres stigmatiss ds leur naissance du signe de la servitude, et btail human rsigns obir en aveugle aux directives de leurs matres cupides et barbares. Depuis 89, l'Homme est parti la conqute des liberts humai- nes. Il rclame la complete satisfaction de ses besoins primordiaux. Et la revolution franaise a eu sa parfaite cristallisation, en Russie, dans les journes d'octobre 1917, o les masses exaspres trou- vaient un sens leur raison de vivre. A Saint Domingue aussi, 89 eut son cho. La Rvolution dclen- che d'abord par les grands planteurs qui voulurent s'emparer de l'administration, pntra dans l'esprit surexcit des dominguois libres et esclaves, et aboutit au soulvement gnral des ateliers, prlude de la guerre de l'Indpendance. Revolution bourgeoise Saint Domingue comme en France, bien qu'ayant pour conclusion la libert gnrale des esclaves. En effet, sur un plan, Toussaint Louverture difiait la classes des grands ngres qui devait remplacer au fur et measure cel- le des grands planteurs. Il y encadra ses gnraux de tous ordres et les anciens libres. Sur le plan oppos, surgissait la grande mas- se noire, fille de la mare montante de 89 attache au domaine de ses anciens matres pour une priode d'au moins cinq ans, ou obligs de travailler sans rpit sur les vastes concessions faites aux grands ngres, pour permettre ces nouveaux riches de maintenir leur luxe et leur bon ton. Tel fut le tableau avant l'Indpendance. 1804 n'a fait qu'accentuer le mal. Plus de colons. Seuls les dominguois, devenus des hatiens, voluaient sur la scne politi- que, conomique, et social de la nouvelle nation. Les masses, un