qn ANNEE, Ne 184 PORT-AU-PRINCE (uair:) VENDREDI, 8 NOVEMBRE i907. QUOTIDIEN SEES il LE NUMERO 4() CENTIMES ABONNEMENTS : paR MOIS Une Gourde D’aVANCE Dé&PaRTEMENT« & ETRANGER ; vrais de poste en sus. DmeEcreur! Clément Magloire, ———___ Les abonnements partent du rer. et dais de chaque mois et sont payables d’avance REDACTION-ADMINISTRATION 45, RUE ROUX, 45. Les manuscrits insérés ou non ne sont pas remis. + : cece Reman Reeeeerennnree lean avereee aeerne— Seemann Pour tout ce qui concerne |’Administration du Journal, Lémigration Haltienne le Steamer « Salvator » vient dé ouillor A Santiagode Cuba. Sur le pont te premicre, autour de la table, pren- wnt sicge, aréopage sévére et moqueur, Consul d’Haiti, les employés de la Douane et le médecin du Port, et voici qevers cette table est dirigé le trou- peau grouillant des pissagers wrol- seme, ce sont les émigrants. Et d’abord, voici les espagnols venus delaCatalogne : vieux et jeunes, femmes etenfants, vétus de costumes d’ouvriers, figures souffreteuses oti rayonne Cepen- dant un peu de joie, la joie d’étre ar- nvés enfin apres un long voyage, re- rds durs of luit un peu d’espoir, l'es- it de moins souffrir, et qui sait ? de aire fortune, rabl.'s, gauches et bavards, fappelant les Syriens quand ils vinrent thez nous, les premiers Syriens arvi- e vs en éclaireurs, et dont les rapports | P enthousiastes firent accourir, de toute 3 Jérusalem, l’'armée de leurs fréres aisérables, aujourd’bui conquérants su- Pes de la terre hospitaliére et douce aiti. L’appel des noms commence, chaque igrant doit payer un dollar pour avoir droit de descendre, il doit décliner % nomset préinoms,et dire pour quelle mine ou pour quelle plantation, pour elle industrie il a été engagé. un aprés l'autre, ils subissent l’in- ogatoire, paient et s’en vont, les mes portant sur I’épaule, dans un ee ossier, tout ce quils possddent, . ‘emmes trainant aprés elles de pe- enfants blonds et sales. ) passagers de Wee impatience la fin de cette cérémo- pour avoir leur exeat. Mais quoi ! a finiavec les Syriens, pardon, les » et voici un autre troupeau a Saméne, c’est celui des paysans , » migrants aussi, hélas, et la tpn ommence Ils sont cent quatre- We eux, cela marche plus vite : on a Gi eu confiance en cut, td’entrée, on le leur a fait payer FN nce du Bateau en Halli. Ils | remiére altendent ; terre, et le Dollar , répondre & l’interrogatoire' payé @ sante de la besogne. Tous les catilans savent signer, les Haitiens ne le savent pas, et ils sont trés embarrassés méme pour décliner leurs noms, intimidés par la sévérité de ces formalités auy- quelles ils ne sont pas habitués, se de- mandant peut-étre si, pris 4 quelque pié- ge, ils ne vont pas étre réduits 4 l’escla- vige, s’ils ne sont pas retombés sous le pouvoir des blancs. IIs défilent, di- sant leurs uoms baroques ou drdles, pour la plus grande joie des contré- eurs cubains et de la galerie. — QAspeculaut, wus ve VIIABVUS * vUtre bientét transformés, la peur et |’in- quiétude ont bientdt disparu, et l’on dirait ue le paysan_ haitien en qul, comme le disait une fois notre direc- n dirait que le paysan se transforme déja ; les yeux s’illuminent, les fronts se rassérénent, et je lis dans ces physionomies la méme énergie que dans celles des catalans. Tous ces hai- tiens sont des hommes de volonté et d’énergie, leur seule présence sur le ontde ce navire l’atteste suffisamment: les voila débarquant sur une terre in- conuue parce qu’on leur a dit que |i, il y adu travail, parce qu’ils ont vu en revenir avec de fortes économies, quelques-uns de leurs fréres autrefois misérables comme eux. Tous vont 4a Guatanamo et dans 1s régions sucriéres, 00 ils sont empluyés 4 la plantation ou 4 la coupe de: can- nes a raison de deux 4 trois dollars par jour. . Les Haitiens sont trés appr ‘ciés, et en vain, chaque mois depuis deux an<, le steamer francais les débarque par centaines, les nouveaux venus trouveut encore & s’employer avantageusement. Cuba réclame des travailleurs de la les Haitiens accourent en foules grandissantes et disent : nous voila. J'ai voulu mettre ce fait en lumiere pour {montrer comment c’est une calomnie, sont paresseux ,; rent en masse ur et pénible, réjugé. ; ; aa varité est que le tegvail chez nous n’est pas organisé, n’est pas assez en” couragé et protég’, etle paysan re use de travailler parce qu'il nest pas 15562 abord, @ et c’est pour l’aréopage, la partie amu-fopprimé par le chef de section et les Chefs de district, qui s’attribaent le plus clie du produit de sasueur, sans que jimais P?écho, je ae dirai pis de sa plain- te, ( ose-t-il se plaindre 2?) mais de son soupir de souffrance et de dése:poir soit jamais arcivé jusqu’a nous pour émouvoir nos coours indifférents. , Faligués de porter leurs miséres Lonteuses, les voila s’expatriant avec des ruses infinies, car le Port s’oppose a leur départ, mais ils paient la com- plaisance de ceux qui sont , Prépa- ifs & lear ebarner lo sents. ce lexis gt trie, vers le travail, vers la vie. Ainsi, le Président actuel de la Répu- bliqve est venu bien tard, et il doit sentir 3 la résistance du timon entre teur, s’incarne « unsiécle de servitude», | as invins énergiques, combien la bar- que était profondénent enfoncée dans {le sable et dans Ja vase. Quelle lutte ;pour la remetire a flot, et quels efforts. C’est que ce n’est pis dans un jourqn’on peut corriger les effets d’un_ sié le de roatine et de pratiques déplorables. Voil% que des désespérés se jettent a eau par dessus bor], essayent de se sauver eux-mémes hors de la barque fen p4ril ! O retour ! cette Haiti si riche {qu’elle tendait ses mamelles débordan- ites aux étrangers avides venus de loin, voila maintenant que ses propres en- faats la quittent, pour aller chercher ailleurs le pain de Il’existence. Je ne suis pas de ceux qui désespé- rent, le pessimisme n’habile pas en moi. Je crois au salut tout de méme puisque lceuvre est commenceée, puisjue leGrand {Ouvrier du salut national est debout, encourageant du geste et.‘e la voix, le travail et industrie, et donnant lim- |pulsion a cette activilé latente qui est ‘en nous et qui ne diemanide qu’a se ina- { nifester. Les esprits, mieux avertis sont tournés vers le travail et vers l’effort individuel; les chemins de fer et lex- {ploitalion de nos richesses miniéres et | orestiéres, vont améliorer nos condi- l tions d’existence, et noug pourrons mon- ‘trer bieatét au monde fa face rayonnan- ‘te d’une Haiti régénérde. Maintenant que chacun voit la beau- té6 et ’indluctabilité de Vceuvre du sa- lut, elle ne peut plus étre abandonnée. La lumiére de l’instruction se répandra dans les masses, et c’est de cette la- t ensuite parce qu'il est’ miére que naftront la vraie liberté et s’adresser 4 Monsieur Arthur ISIDORE, 45, Rue Roux ou Bonne-Foi. ly justice, et ils ne s’arracheront plus da sol de la Patrie, les paysans haitiens. *e Une question se pose : cette émigra- tion est-elle un mal? Oui et non, ré- pondrai-je. Oui, c’est un mal au_ point de vue des intéréts actuels du Pays ; tous ces émigrés, ce sont autant de bras enlevés 4 notre agriculture qui en atant besoin, et le mal est d’autant plus grand que ceux qui s’en vont ainsi sont les meilleurs, les mieux trempés pour la lutte ot effort. car le seul fait connait Yesprit sédentaire du paysan haitien, son atachement itréductible au sul qui l’a vu naitre— révele manifeste- ment ces qualités d'énergie, de volo.- t: et d’audace, qui sont les meilleurs é:éments de réussite et de succés. II se produit la une véritable sélection natu- relle; tous souffrent,ceux qui s’en vont, ce sont ceux qui ont dans leurs ames li force de réavir et la conception d’un i léal impossible a réaliser chez eux. La Nation Américaine n’est si grande et si fort», son ascension n’a été si pro- digieuse et si rapile que parce quelle s'est coinposée des éléments les meil- leurs venus de tous les points de I’an- cien continent, cadets de famille, aven- turiers, proscrits et bannis, tous les forts et les audacieux, qui s’en vinrent chercher dans cette patrie nouvelle un champ ou dépenser leur activité débor- dante. Dans une telle société, les fuibles devaient étre écrasés, ils le furent, et ceux qui purent résister constituérent ce peuple prodigicux qui s’est formé de ce que les peuples abatardis avaient de meilleur. Donc, notre perle est grande, nous perdons dans l’exode de nos campa- guards des éléments précieux. Mais il n'y a pas de danger, je crois, que Cuba les garde. C’est la fortune qu’ils sont ullés chercher, la terre natale les ap- pelle, la nostalgie les raménera. Ces travailleurs sont des exilés et non des transplantés, ils ne prendront pas raci- ne dans la terre étrangére, ils revien- dront. Chose bonne a noter, les cita- lans aménent leurs femmes et leurs eufants tandis gue les Hiltiens viennent seuls. Ils reviendront, et c’est pourquoi si leur exode e1si grand nombre est un mal actuel, c'est la garantie d’un bien futur; ces milliers d’hommes reve-